Billet de blogue: Renforcer la protection contre la maltraitance des enfants au Costa Rica

L’auteur, Diana P. Carvajal, est consultante juridique bénévole. Elle a été déployée au Costa Rica dans le cadre du projet PRODEF (Protection of Children, Women and Other Communities in Vulnerable Situations) mis en œuvre par le Bureau international des droits des enfants (IBCR) et Avocats sans frontières Canada (ASFC), grâce à l’appui financier du gouvernement canadien, par l’entremise d’Affaires mondiales Canada. Dans le cadre de son mandat, elle a aidé la Fondation Paniamor à promouvoir les droits de l’enfant et la prévention de la violence, de la maltraitance et de l’exploitation. 


Mon expérience au Costa Rica a été enrichie par le succès d’une série d’activités en rapport avec la Loi 9406, connue sous le nom de « Loi contre les relations inappropriées » (traduit du titre original espagnol), entrée en vigueur en 2017. L’objectif principal de cette loi est de renforcer la protection des enfants et des adolescentes et adolescents par la prévention des situations de maltraitance et de violence liées à des relations sexuelles inéquitables, inopportunes et préjudiciables (en modifiant, entre autres, certaines dispositions du Code pénal et du Code de la famille du Costa Rica). Tout au long de ma mission, j’ai eu le privilège d’animer plusieurs ateliers de pilotage au sein de la Fondation Paniamor, dans le but de développer un programme complet de sensibilisation culturelle sur les violences faites aux enfants, souvent cachées et parfois même socialement acceptées.

Réexaminer le consentement aux relations sexuelles

Je tiens à souligner la participation de ma collègue Justine St-Jacques, conseillère juridique volontaire également déployée dans le cadre du PRODEF en 2016, aux activités de plaidoyer de la Fondation Paniamor, qui ont joué un rôle important dans le processus d’adoption de la loi en question. L’adoption de cet instrument représente une avancée majeure dans la réglementation des « relations inappropriées » qui, à son tour, a favorisé une plus grande prise de conscience dans divers secteurs de la société costaricienne. En effet, souvent accompagnées d’une prise de contrôle et d’abus physiques et émotionnels, les relations dites « inappropriées » sont caractérisées par une asymétrie de pouvoir ayant de graves conséquences sur la vie des victimes. La nouvelle loi établit un cadre qui facilite la reconnaissance et la prévention de ce type de situations.

L’aspect le plus important de cette loi est sa reconnaissance de l’invalidité du consentement des adolescentes et adolescents, qui ne sont pas en mesure de donner un consentement valide, libre, éclairé et conscient, compte tenu de leur développement biopsychosocial et de leur méconnaissance des conséquences négatives que ces relations abusives ont sur leurs droits à l’éducation, à la santé, aux loisirs et à la participation. En prenant en compte ces facteurs, la loi établit une présomption légale de non-consentement pour les mineurs et supprime l’obligation pour la victime de prouver l’exploitation. En outre, des sanctions pénales sont désormais appliquées aux adultes ayant des relations sexuelles ou coupables d’actes de nature sexuelle avec des mineurs, en fonction de l’âge de ce dernier et de l’écart d’âge entre eux. De plus, l’âge du consentement au mariage a été rehaussé à 18 ans, interdisant aux mineurs de se marier, même avec l’accord de leurs parents. Toute personne peut désormais signaler ces crimes à la police en vertu de la loi.

Trois domaines d’action différents

En premier lieu, nous avons organisé des séances de formation pour les membres de la société civile et les autorités publiques, afin de les aider à mieux identifier les situations de vulnérabilité, ainsi que les facteurs déclencheurs ou favorisant les situations d’abus sexuels de mineurs. L’un des principaux objectifs était de faire prendre conscience du fait que, souvent, ces situations se produisent sous le regard indifférent, silencieux et parfois complaisant de la famille, de la communauté et même parfois du cadre institutionnel chargé de protéger les droits des enfants et des adolescentes et adolescents. Malheureusement, certaines croyances et pratiques culturelles de la société costaricienne ont conduit à la normalisation et parfois même à la promotion de ce type de relations inappropriées

À la lumière de cet état de fait, nous avons également conduit des sessions de formation sur les droits de l’enfant et la prévention des abus sexuels et de la traite des personnes auprès de jeunes en situation d’exclusion socio-économique. Plus précisément, les participants faisaient partie du projet Trayectorias Juveniles de la Fondation Paniamor, qui favorise le leadership, l’apprentissage de savoir-être et l’amélioration des compétences et de l’employabilité des jeunes (15 à 21 ans) de Limon, une ville portuaire située sur la côte Atlantique du Costa Rica (voir plus ici). Les ateliers comprenaient notamment des activités de travail en équipe pour stimuler la réflexion sur les risques auxquels les jeunes sont exposés et les moyens de les prévenir.

   
D’un autre côté, aux côtés de Katia Rojas, psychologue et experte en approches sexospécifiques au sein de Paniamor, j’ai eu le privilège de co-animer un séminaire sur les stratégies de renforcement des compétences, connaissances et outils des autorités publiques en lien avec la protection des enfants au Costa Rica. Plus d’une centaine de travailleurs sociaux du Département de travail social et de psychologie de la branche judiciaire étaient ainsi présents. Les sessions visaient à sensibiliser les participants à la valeur des rapports d’experts et soulignaient l’importance d’utiliser d’un langage approprié dans la formulation des opinions, et de prêter une grande attention et soutenir les enfants victimes de crimes sexuels. Selon la majorité des participants, cette formation les a aidés à prendre conscience de l’importance du langage et de son rôle dans les processus judiciaires. Ils se sentent également mieux préparés pour prendre soin des victimes et à les guider.

Enfin, pour conclure ma mission, j’ai animé un atelier avec toute l’équipe de Paniamor afin de partager les résultats de plusieurs entrevues avec les autorités publiques, et mon analyse sur la portée des objectifs et l’application de la loi. Ce fut l’occasion de se pencher sur les défis auxquels l’organisation fait face afin de contribuer efficacement, aux côtés des institutions publiques, à l’amélioration de la protection des enfants dans le pays. Je suis partie avec l’espoir de voir mes recommandations et conclusions se révéler utiles pour la continuité du travail inestimable de Paniamor.