[Lettre ouverte] Pour une prise en compte des droits de l’enfant par le comité des sages

Montréal, le 13 décembre 2023

Lettre ouverte du Bureau international des droits des enfants (IBCR) pour une prise en compte des droits de l’enfant par le comité des sages récemment composé et chargé de conseiller le gouvernement sur les questions touchant l’identité de genre.

Régler la tension entre les droits de l’enfant et les droits des parents par une application holistique de la Convention internationale des droits de l’enfant (CDE)

En réponse aux manifestations sur l’identité de genre qui ont suscité des débats récents au Québec, entre autres sur le droit des parents à décider du curriculum scolaire ou celui d’être informé de toute décision prise par l’enfant quant à son identité de genre exprimée à l’école, le gouvernement Legault a annoncé, le 5 décembre 2023, le mandat et la composition du Comité des sages chargé de le conseiller. Ce dernier sera ainsi notamment amené à « recenser les politiques publiques, les pratiques et les directives québécoises dans plusieurs secteurs (éducation, sports et loisirs, famille, santé et services sociaux, sécurité publique, etc.) » et à « analyser leurs effets potentiels sur l’ensemble de la société québécoise ».[1]

Suivant cette annonce, le Bureau international des droits des enfants (IBCR) souligne l’importance que le Comité mène ses travaux en intégrant une analyse centrée sur les impacts potentiels, directs ou indirects, sur les droits des enfants. En effet, toute politique, programme, loi, stratégie nationale, décision ou initiative peut causer des impacts spécifiques sur la vie des enfants. Ce type d’évaluation permettrait ainsi de « rendre visibles » les enfants et de considérer leurs intérêts et les impacts potentiels sur leur quotidien, qui sont généralement différents de ceux des personnes adultes. Les enfants représentent aujourd’hui autour de 20% de la population québécoise, il est donc essentiel d’identifier ces impacts, de les analyser et de les prendre en considération, d’autant plus que les enfants sont les premiers concernés par les débats ayant mené à la création du Comité des sages.

Rappelons aussi, qu’en 1991, le Canada a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant (CDE), avec l’accord du gouvernement québécois qui s’est par ailleurs déclaré lié par cette même convention dans le Décret 1676-91. Ainsi, le Canada et le Québec ont l’obligation de considérer les droits de l’enfant dans toutes leurs initiatives et réflexions.

À cet égard , l’outil d’évaluation des répercussions sur les droits de l’enfant publié en juillet 2023 par le ministère de la Justice du Canada, facilitant l’identification et la prise en compte des droits de l’enfant, pourrait servir de base pour les analyses qui seront éventuellement menées par le Comité des sages.

En ce qui concerne la tension entre les droits de l’enfant et les droits des parents, soulevée lors des débats autour du curriculum scolaire, IBCR se joint à l’interprétation de l’article 5 de la CDE, d’ailleurs partagée par le Comité des droits de l’enfant en octobre 2023. Le Comité spécifiait que l’article 5 portant sur le rôle des parents en lien avec l’acquisition de compétences par l’enfant et à son propre rythme, doit être compris et appliqué de manière holistique. Cela signifie que le concept de « droits des parents » doit s’harmoniser avec les autres éléments mentionnés dans l’article 5 de la CDE, comme « le devoir de conseiller et orienter », « les capacités évolutives de l’enfant » et « l’exercice des autres droits de la Convention ». Le Comité insistait sur la reconnaissance de l’enfant en tant que personne à part entière, sujet de droit et acteur de la société. Les responsabilités, les droits et les devoirs des parents sont donc limités par le fait que les enfants aussi ont des droits. Autrement dit, les conseils et orientations des parents doivent respecter les autres droits de l’enfant, en particulier celui d’être consulté et écouté sur les enjeux qui le concernent et celui du respect de son intérêt supérieur.

Alors que se met en place le Comité des sages, le Bureau international des droits des enfants tient à rappeler notre engagement collectif envers les droits de l’enfant, l’existence d’outils qui permettent de visibiliser l’impact de nos décisions sur leurs droits et l’importance d’impliquer et d’écouter les enfants dans les réflexions qui s’annoncent, en particulier les enfants de la communauté LGBTQ+. Alors que les débats se cristallisent autour d’enjeux qui touchent les enfants, l’analyse des effets potentiels sur l’ensemble de la société québécoise doit se faire avec les enfants et dans le respect de leurs droits.

Martin Causin
Directeur Général
Bureau international des droits des enfants

Sources :

[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2032516/identite-genre-quebec-comite-sage