Montréal, le 20 novembre 2025 – En cette Journée mondiale de l’enfance, le Bureau international des droits des enfants (IBCR) rappelle une évidence : les droits de l’enfant ne sont ni relatifs, ni optionnels. Ils sont universels et engagent tous les États.
Cela fait 36 ans que les enfants peuvent compter sur un texte international consacrant leurs droits. La Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) des Nations unies est le traité international le plus ratifié à ce jour, 196 États sur 197 l’ayant ratifié. Pourtant, cette ratification porte en elle un étrange paradoxe : les droits de l’enfant restent loin d’être une réalité pour tous les enfants. Qui pourrait bien s’opposer à la concrétisation des droits de l’enfant ?
Trop souvent, les contextes politiques locaux, les normes sociales, les contraintes financières et matérielles ou les crises sont invoqués pour justifier une atteinte à ces droits. Pourtant, en s’engageant envers les droits de l’enfant, nous avons pris un engagement collectif de tout faire pour que ces droits s’incarnent quotidiennement pour tous les enfants. En ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant, les États ont reconnu leur responsabilité de faire respecter ces droits pour tous les enfants, en tout temps, et pas seulement en période de paix ou de prospérité. Il ne s’agit pas d’une question de bonne volonté ou d’application à la carte, mais d’obligations juridiques précises et contraignantes.
L’actualité récente nous fournit des exemples concrets de la négociation de ces droits par certains gouvernements au nom d’idéologie, de calculs politiques ou de pressions sociales.
Et parce que chaque renoncement, chaque accroc à un droit fragilise la force et la portée de celui-ci, il appartient aux États de transformer leurs engagements en actes.
Pour le Bureau international des droits des enfants (IBCR), cette constatation est encore plus pressante dans le contexte actuel d’érosion des droits humains. Il faut continuer à rappeler l’évidence : lorsque nos droits vacillent, ceux et celles dont la voix porte moins sont les premiers touchés. Au premier chef, les enfants.
ENJEUX PAR BUREAUX PAYS
Depuis quelques mois, l’IBCR alerte sur des signaux jugés préoccupants en matière de justice adaptée aux enfants et adolescents au Canada et au Québec.
C’est dans ce climat que l’IBCR a pris connaissance du projet de loi C-14 qui propose des modifications inquiétantes à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). En outre, il augmente le nombre d’infractions pouvant mener à des mesures de placement sous garde, entrainant donc un accroissement du nombre de jeunes se voyant imposer des peines de détention. Or, cela va à l’encontre des principes phares de réadaptation et réinsertion des jeunes prévus par la LSJPA, ainsi que ceux de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), en son article 37b. Par ailleurs, le projet de loi propose d’assouplir les règles de confidentialité en permettant, notamment aux services de police, de publier des renseignements permettant d’identifier des jeunes sans autorisation judiciaire, contrevenant de nouveau à la CDE (art. 40(2)b)vii).
En cette semaine de la Justice réparatrice, il est important de se rappeler qu’il existe une justice pour enfant et adolescents, parce qu’elle prend en compte qu’ils sont toujours en développement. En cherchant à les responsabiliser et à s’approcher d’une justice réparatrice, on favorise leur réinsertion afin que ces adolescents et adolescentes puissent devenir des acteurs de changement positifs dans la société. Le projet de loi C-14 risque de compromettre les objectifs même de la LSJPA et les engagements internationaux du Canada et, ultimement, d’affaiblir une justice éprouvée qui rend nos sociétés plus fortes et reconnait notre responsabilité envers les enfants.
Et parce que chaque renoncement, chaque accroc à un droit fragilise la force et la portée de celui-ci, la remise en question par le gouvernement canadien du droit des enfants à une justice adaptée ouvre la porte à une remise en question plus globale des droits de l’enfant.
– Julie Dénommée, Directrice générale de l’IBCR
Au Mali, les États généraux sur la situation de la femme, de l’enfant et de la famille lancés le 16 juin 2025 à l’occasion de la journée de l’enfant africain est une étape décisive pour doter le Mali des données fiables et participatives sur la situation de l’enfant. L’IBCR soutient fortement cette initiative nationale et exhorte le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille à traduire les recommandations issues des assises régionales en des actions concrètes dans les politiques nationales touchant les droits de l’enfant. Aussi, l’IBCR plaide pour une meilleure prise en compte des besoins et priorités des enfants, y compris ceux et celles en conflit avec la loi et ceux / celles victimes ou à risque des violences sexuelles ou sexistes.
L’État des lieux (EDL) réalisé en 2025 par l’IBCR en collaboration avec la Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Éducation de l’Université des Lettres et des sciences Humaines de Bamako, dont la publication est prévue en mars 2026, représentera un atout majeur pour le Ministère lui permettant de faire avancer les droits et perspectives des enfants dans le plan d’action des états généraux (2026-2030).
– Harouna Salé, Représentant pays du Mali
En République Démocratique du Congo (RDC), la redynamisation de la Politique nationale de protection de l’enfant constitue une priorité urgente pour doter le pays d’un cadre cohérent et opérationnel d’une part et de renforcer la coordination des acteurs du système de protection de l’enfant sur les stratégique et opérationnel. C’est une demande de longue date de l’IBCR et nous nous réjouissons de voir ces travaux essentiels reprendre.
Nous plaidons également pour que la protection des enfants dans les zones touchées par les conflits armés, en particulier à l’Est du pays, soit une responsabilité partagée et une urgence nationale.
La mise en place d’une justice réparatrice et adaptée à l’enfant et privilégiant les alternatives à l’emprisonnement doit être un leitmotiv du système judiciaire pour enfant. Nous réaffirmons que la place des enfants en conflit avec la loi n’est pas en prison et recommandons pour les cas exceptionnels de privation de liberté, la construction et l’équipement d’Établissements de garde et d’éducation de l’État (EGEE) ainsi que la formation des professionnels de ces structures. Afin d’offrir à chaque enfant la possibilité de se reconstruire, il devient judicieux de mettre en œuvre une stratégie nationale de réinsertion sociale durable.
Nous soutenons que l’amélioration du système de référencement, de Gestion des cas et de suivi des enfants victimes d’exploitation économique et sexuelle est une exigence pour un accompagnement holistique des enfants vulnérables
Nous plaidons enfin pour que la place des enfants dans nos sociétés soit améliorée en leur accordant une participation adaptée basée sur l’écoute, la prise en compte de leurs points de vue et le retour adapté vers eux.
– Mahamadi Oubda, Représentant pays de la République démocratique du Congo
Malgré des avancées notables au Sénégal, il reste encore à renforcer le cadre national de protection de l’enfant.
L’IBCR se joint aux organisations de la société civile pour appeler à une augmentation de 3% des ressources publiques consacrées à la protection de l’enfant et à l’adoption rapide du Code de l’enfant, indispensable pour disposer d’un cadre juridique pleinement conforme aux normes internationales. Un renforcement sensible du cadre de protection doit également passer par un alignement de la Stratégie nationale de protection de l’enfant sur la vision « Sénégal 2050 » et en dotant les Comités départementaux de protection de systèmes de données fiables et de mécanismes intégrés de prise en charge, afin d’améliorer la coordination et l’efficacité des actions auprès des enfants les plus vulnérables. Enfin, les cadres existants permettant une participation réelle et continue des enfants et des jeunes aux décisions qui les concernent doivent être redynamisés, et en premier lieu le Parlement national des enfants.