Vie de parents : « Ce n’est pas la fin du monde, c’est juste une trisomie 21! »

Pour Anabel et Benjamin, le pire n’a pas été d’apprendre que Théo vivrait avec une trisomie, et pas son jumeau Vincent. Ce sont plutôt les spécialistes, proposant l’avortement ou l’adoption d’emblée, qui les ont terrassés. À l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, regard sur une famille qui a choisi la vie, au-delà de la trisomie.

Après huit ans d’essai, Anabel Lindblad, 35 ans, apprend qu’elle est finalement enceinte. Quelle joie! La surprise est encore plus poignante lorsqu’elle et son conjoint Benjamin Gales réalisent qu’ils seront les parents de jumeaux. Benjamin, je pense qu’il n’a rien dit pendant à peu près 24 heures. Il était tellement sous le choc! , se rappelle la maman en riant.

Jusqu’à 24 semaines, tout va bien. Puis, le diagnostic tombe. Le résultat d’une amniocentèse, une intervention visant à prélever du liquide amniotique dans l’abdomen maternel à des fins d’analyse, révèle que l’un de leurs petits garçons vivra avec une trisomie 21. Immédiatement, les équipes médicales leur parlent d’enjeux de santé possibles, d’interruption de grossesse – pour un seul ou pour les deux bébés – ou encore l’adoption.

C’est quelque chose qui me dérange énormément dans la façon dont c’est fait, note Anabel Lindblad avec une émotion marquée dans la voix.Vraiment, on devrait commencer par :  » Bien voici ce qui se passe si vous décidez de [mener la grossesse à terme], puis ne vous inquiétez pas, ce n’est pas la fin du monde, c’est juste une trisomie 21  ».

On a vécu notre deuil, si on veut…, enchaîne-t-elle.

En prononçant ces mots, la maman craque, envahie par l’émotion ravivée par le souvenir de ce moment où elle et son conjoint ont dû faire un choix qui allait influencer le reste de leur vie. Benjamin semble alors vouloir poursuivre sa phrase, mais se ravise. Je ne sais pas quoi dire, lâche-t-il finalement.

L’avis des spécialistes était très, très difficile à entendre. Je trouve que c’est ça qui nous rend émotifs, plus que le diagnostic lui-même, reprend Anabel. Elle réitère qu’une fois qu’ils ont su que leur fils était trisomique, le choix s’est imposé de lui-même : Théo et Vincent grandiraient ensemble, coûte que coûte.

Une histoire d’amour et de batailles

Dès l’accouchement, la vie de parents telle qu’ils l’avaient imaginée prenait déjà une tout autre tournure. Une équipe médicale regroupant une douzaine de personnes entourait Anabel durant la césarienne, qui est survenue quatre semaines plus tôt que prévu. Pas exactement le moment intime qu’on avait planifié!, ricane la principale concernée.

Puis, le retour à la maison s’est fait sans le petit Théo, qui nécessitait un suivi médical plus encadré pour la première semaine. Un moment plutôt difficile pour la famille, mais une prise de conscience également de la quantité d’amour qui les entourait . On avait déjà tout un village pour nous appuyer, dit Anabel avec un éclat de tendresse dans les yeux.

Grâce au soutien de leurs proches et la solidité de leur équipe, Anabel et Benjamin sont fiers de dire : On y est arrivés, on a survécu! Et on dort mieux maintenant (rires).Ils se permettent d’ailleurs aujourd’hui une sortie de couple par semaine.

Leurs fils ont grandi en pleine santé, entretenant une relation fraternelle tout ce qu’il y a de plus normale. Ce sont des garçons, ils ont 5 ans et demi, ça joue rough, ça joue ensemble. Il y a des fois, ça ne s’entend pas, ça se bat, se réjouit Benjamin Gales.

Bien sûr, la courbe d’apprentissage des jumeaux est bien différente. La famille a notamment dû apprendre le langage des signes pour mieux communiquer avec Théo. Mais les parents se font un point d’honneur de ne comparer ni leurs enfants, ni les enfants des autres.

 On est tous humains, puis il faut arrêter de se mettre de la pression pour aller chercher ce que les livres nous disent, ce que nos enfants doivent accomplir avant tel âge. Il faut reconnaître que des progrès, c’est des progrès, soutient Anabel.

Même s’ils se considèrent très heureux, les parents soulignent qu’ils font tout de même face à de nombreuses difficultés. Et les obstacles, eux, proviennent souvent de l’extérieur. Encore aujourd’hui, il demandent la permission avant d’emmener leurs fils à une fête d’enfants et doivent composer avec certains parents se montrant réticents ou allant parfois jusqu’à retirer leurs enfants de l’environnement où Théo joue.

On dirait qu’ils ont peur de Théo, puis ça, ça se transmet aux enfants, dénonce la maman en précisant que son fils perçoit le rejet. Quand il rencontre des gens qui ont un peu peur de lui, qui ne savent pas comment interagir, bien il réagit aussi. Il a un recul, il ne va pas vers ces personnes-là.

Au lieu de les fuir, les parents de Théo et Vincent préféreraient que les gens viennent leur poser des questions pour briser les préjugés. Pour eux, pas question de changer quoi que ce soit dans leurs habitudes de vie. Les petits, on ne les cache pas. Ils ne restent pas à la maison juste parce que Théo a une trisomie 21. Il fait de la gymnastique, de la natation. On s’assure que nos enfants soient très actifs, précise Anabel Lindblad.

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