Le 18 mars 2021 j’ai eu le privilège de prendre part à un convoi médical une des activités phares de l’association Keoogo . L’activité consiste à descendre dans les sites où vivent des enfants et jeunes accompagnés par l’association , d’ identifier leurs besoins en termes de soin, de conseils , de suivi médical ou autre et de les acheminer au centre de santé propre à Keoogo pour une réponse adaptée à chaque cas voici le récit de mon expérience.
Créée en 2004, Keoogo est une organisation burkinabè dont la mission principale est d’offrir des services de protection et de réhabilitation aux enfants particulièrement vulnérables dans une approche holistique. Les services offerts à ces enfants et jeunes sont essentiellement la réintégration familiale, des soins médicaux, un soutien psychologique, un soutien scolaire, de la formation et de façon plus générale un soutien émotionnel et relationnel et de la compréhension.
Le public cible de Keoogo est composé d’enfants et de jeunes principalement en situation de rue. Ce public marginalisé se retrouve généralement hors des circuits officiels de soins et de scolarisation. Il s’expose aux risques de délinquance, de traite, de violences et de prostitution, aux difficultés d’accès aux soins de santé, au VIH/SIDA qui vient d’ajouter à d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), ou encore à l’alcoolisme ou aux drogues, entre autres.
Ce matin j’ai pris place à bord du véhicule de Keoogo avec un psychologue et un « pair éducateur ». Le pair éducateur est un ancien enfant en situation de rue ou de vulnérabilité qui a pu s’en sortir et retrouver sa place dans la société, et qui s’engage aux côtés de l’association. Il joue un rôle important pour établir et maintenir un contact régulier avec ces enfants, car il connait leurs codes et leur langage et son histoire personnelle permet à ces enfants vivant dans la précarité d’aspirer à un avenir meilleur.
Après cinq kilomètres de route, nous nous retrouvons dans la périphérie de Ouagadougou. Le pair éducateur et le psychologue descendent du véhicule et s’introduisent dans une concession. C’est un site de ralliement du convoi médical . Une dizaine de minutes plus tard, deux jeunes filles en sortent, dont l’une s’avérera être mineure. La plus jeune porte un bébé d’un an et demi. Les deux jeunes femmes sont nigérianes et parlent anglais. À 500 mètres de là, trois autres jeunes femmes sont récupérées dans un autre site. Deux petits garçons sont avec elles.
Nous prenons la direction du centre médical de Keoogo, à une vingtaine de kilomètres dans la périphérie nord de Ouaga*. Ces filles et jeunes ainsi que leurs enfants bénéficient d’un suivi médical grâce à l’association. Dans ce centre, elles sont reçues chaleureusement et sans aucune stigmatisation. Elles peuvent bénéficier gratuitement d’un soutien psychologique, de soins, de contraception et de contrôles pré ou postnatals selon leurs besoins spécifiques.
Le centre médical se trouve à côté du village Beoogo Tienbo, qui veut dire littéralement « espoir de demain ». Il accueille une crèche, une école maternelle, un centre d’apprentissage de métiers comme la couture et le jardinage, et des dortoirs d’une capacité d’une vingtaine de personnes. L’école a vocation à recevoir les enfants et les jeunes des environs, priorisant les filles et jeunes femmes accompagnées par le centre. À côté des paires éducatrices qui animent des séances de sensibilisation et accompagnent les jeunes, on note aussi la présence de « mères éducatrices ». Ce sont des femmes d’un certain âge qui, sur le modèle des coutumes africaines, aident et accompagnent ces jeunes filles et femmes, souvent peu préparées à s’occuper de leurs enfants.
Après près des deux heures passées au village Beoogo Tienbo, nous avons pris le chemin du retour pour ramener les jeunes filles dans leurs sites respectifs.
Cette journée a été riche d’ apprentissages. J’ai particulièrement apprécié la stratégie et l’approche de Keoogo fondée sur un contact direct et étroit avec le terrain. Des enfants ou jeunes sortis de la rue sont réintégrés dans la société et deviennent des personnes-ressources pour parler à des enfants et jeunes aujourd’hui en situation de vulnérabilité ou de rue. J’ai noté tout au long du parcours combien ces pairs éducateurs étaient très proches de ces jeunes.
Ce billet de blogue a été rédigé par Bruno Sadila, un volontaire de la république Démocratique du Congo actuellement déployé au Burkina Faso, en tant que Conseiller en sécurité et droits des enfants dans le cadre d’un mandat sud-sud du programme de coopération volontaire PRIDE
J’ai aussi été touché par la façon dont l’association aide ces jeunes en situation de vulnérabilité dans leur milieu de vie, sans conditionner cette aide à un placement dans un milieu fermé. En effet, il y a un profond respect mutuel, et aucun jugement n’est porté. Bien que Keoogo souhaiterait évidemment permettre la réinsertion de ces enfants, rien ne leur est imposé. Au contraire, tout est fait en collaboration avec eux, tant au niveau des placements dans les centres appropriés que les accompagnements selon leurs besoins.
Enfin il y a lieu de relever cet ancrage culturel qui se reflète dans la raison d’être de l’association Keoogo , dont le nom signifie « centre initiatique ». À l’instar des coutumes africaines traditionnelles, le centre est conçu comme un village où les ainées guident les plus jeunes et leur apprennent des métiers, leur permettant ainsi d’entrevoir un avenir meilleur !
Bravo Keoogo.
*Surnom donné à la ville de Ouagadougou
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