L’auteure, Meryem Mouna, est actuellement déployée au Maroc en tant que conseillère juridique volontaire dans le cadre du projet « Protection des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables (PRODEF) », mis en œuvre par le Bureau international des droits des enfants et Avocats sans frontières Canada (ASFC), grâce à l’appui financier du gouvernement du Canada accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada. Meryem est accueillie par l’association Bayti, partenaire de l’IBCR au Maroc.
Depuis le début de mon mandat de Conseillère juridique, j’ai assisté l’association Bayti dans sa démarche de soutien à l’adoption d’un statut juridique au Maroc pour encadrer le placement en famille d’accueil des enfants en situation d’abandon, privés de protection familiale. Tous les enfants devraient en effet avoir le droit de grandir au sein d’une famille, tel que stipulé dans l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Le vide juridique qui existe au Maroc concernant le statut de famille d’accueil a poussé cinq associations de protection de l’enfance à fonder en 2017 le Collectif Marocain de Placement en Famille d’Accueil. Composé des associations ANIR et Bayti, de la fondation AMANE, du bureau régional de la Ligue Marocaine pour la Protection de l’Enfance de Taroudant et de SOS Villages Enfants Maroc, ce collectif vise à défendre auprès de l’Etat Marocain l’adoption d’un cadre juridique clair pour les questions de placement en famille d’accueil.
Notons qu’au Maroc les enfants sont souvent placés dans des institutions en raison de l’insuffisance de mesures alternatives, notamment l’absence de dispositifs pour réglementer les familles d’accueil. En 2016, 11 373 enfants ont été placés dans des établissements de protection pour les enfants en situation difficile . Le nombre d’enfants privés de leur milieu familial ou en situation d’abandon est en augmentation, en témoigne la multiplication des établissements de protection, dont le nombre aurait doublé depuis 2005. Ces mesures ne sont pas toujours les plus adaptées pour les enfants. Le rapport du Conseil national des droits de l’Homme de 2010 déplore ainsi la précarité des conditions de vie au sein des Centres de sauvegarde de l’enfant, dont les normes ne sont pas conformes aux standards internationaux en matière de protection et prise en charge .
Pourtant le gouvernement marocain n’a cessé de réitérer au niveau national et international son engagement en matière de protection de l’enfant. L’élaboration d’une loi cadrant le dispositif famille d’accueil a même été inscrite dans le Programme national de mise en œuvre de la Politique Publique Intégrée de Protection de l’Enfance, en tant qu’objectif stratégique pour la période 2015-2020 . Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a également imploré : « d’achever le processus d’adoption du projet de loi sur la protection de remplacement en accordant la priorité à d’autres solutions que le placement en institution, en particulier au placement auprès d’un parent, au placement en famille d’accueil et au renforcement des programmes visant à prévenir le placement dans des structures de remplacement » . Toutefois, alors que l’échéance pour déposer le prochain rapport périodique auprès de ce dernier est fixée au 20 juillet 2020, le placement des enfants en institution reste encore la mesure la plus répandue dans le pays.
Rappelons également qu’en 2012, une ébauche de texte juridique sur la famille d’accueil a été élaborée par des juges et des associations de protection de l’enfance, puis déposée auprès du Ministère de la Justice et du Ministère de la Famille, de la Solidarité, de l’Égalité, et du Développement social. Cependant, cette proposition est restée lettre morte.
Les associations de protection de l’enfance ont toutefois été proactives en matière de placements d’enfants en familles d’accueil. Historiquement, un dispositif pilote a été mis en place en 2008 par Bayti, rejoint ensuite par les associations fondatrices du Collectif de Placement en Famille d’Accueil, qui œuvrent désormais ensemble pour la mise en place d’un cadre juridique et procédural encadrant cette pratique. Les associations s’appuient sur l’article 471 du Code de procédure pénale qui prévoit la possibilité de confier des enfants à une « personne tierce digne de confiance » . Les membres du Collectif mènent conjointement un plaidoyer pour que tous les enfants aient la chance de s’épanouir au sein d’une famille.
C’est donc à l’occasion de la Journée nationale marocaine des droits de l’enfant le 25 mai et de la Journée internationale des familles le 15 mai, que j’ai pu participer à l’organisation du lancement officiel du Collectif, qui a fait salle comble et suscité l’engouement des journalistes.