L’auteure, Meryem Mouna, est actuellement déployée au Maroc en tant que conseillère juridique volontaire dans le cadre du projet « Protection des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables (PRODEF) », mis en œuvre par le Bureau international des droits des enfants et Avocats sans frontières Canada (ASFC), grâce à l’appui financier du gouvernement du Canada accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
Au Maroc, des milliers d’enfants entrent en contact avec la loi, soit en qualité d’auteurs, de victimes ou témoins, et se retrouvent privés de leur liberté, dans les Centres de Sauvegarde de l’Enfance (CSE), des établissements socio-éducatifs relevant du ministère de la Jeunesse et des Sports. En 2012, le Conseil national des droits de l’Homme a évalué le degré de conformité des modalités de placement et de prise en charge de ces CSE[1], par rapport aux standards internationaux. Après avoir constaté que le placement en institution et la privation de liberté est souvent le premier recours, le rapport a mis l’accent sur plusieurs dysfonctionnements, notamment car les CSE abritent des enfants aux profils, âges et situations très variés, et que globalement les conditions de vie (hébergement, hygiène et alimentation) ne garantissent pas les droits fondamentaux des enfants placés.
À la lumière de ce constat, et dans le cadre du programme de l’UNICEF « Himaya – Pour un meilleur accès des enfants à la justice », co-financé par l’Union Européenne et dont le chef de file est le ministère de la Justice, l’association Bayti a mené durant l’année 2018, le projet « Sensibilisation et formation des enfants, jeunes et parents, sur la prévention contre les délits et crimes et les alternatives à la privation de liberté ». Dans le cadre du projet précité, Bayti et la juge pour enfants, ont mené des activités de sensibilisation auprès des jeunes filles et garçons, ainsi que leurs familles, sur la prévention contre les délits et crimes, et l’existence des mesures alternatives à la détention. De plus, le réseau des jeunes de Bayti a produit un film Animate It ! et mis en scène une pièce de théâtre de l’opprimé.
Les jeunes en situation de vulnérabilité, de fragilité et de désaffiliation qui vivent dans des conditions marquées par la précarité économique, sociale, éducative et relationnelle ont été ciblés lors de ce projet. Ainsi, des activités de sensibilisation et de formation ont été menées dans les villes de Casablanca et d’Essaouira auprès des CSE d’Abdeslam Bennani et de Mers Sultan, l’Orphelinat d’Essaouira, l’Association Au cœur de l’Amitié Euro Marocaine, les enfants de Bayti, l’association Relais Prison-Société, ainsi que les enfants et jeunes du quartier de Sidi Moumen.
Les résultats du projet ont été les suivants :
- 320 enfants et jeunes ont été sensibilisés à la législation nationale, à la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, et aux risques et facteurs de vulnérabilité susceptibles d’entraîner les enfants vers la délinquance;
- 18 professionnels travaillants auprès des enfants ont suivi des formations sur les techniques du théâtre de l’opprimé afin de former de nouveaux acteurs;
- 34 jeunes de Bayti ont été formés sur les techniques du théâtre de l’opprimé;
- 9 jeunes ont mis en scène une pièce de théâtre;
- 10 enfants ont été formés dans la réalisation d’un film Animate It!
Aux termes de ce projet, les enfants, jeunes et familles ont été sensibilisés afin d’investir dans l’éducation et la prévention. La mise en scène du théâtre de l’opprimé et le film Animate It ! se sont avérés des outils précieux, pour permettre une prise de conscience et déconstruire la stigmatisation des détenus mineurs. Enfin, plusieurs jeunes sont désormais capables de mener un plaidoyer en faveur des alternatives à la privation de liberté, en utilisant l’art comme moyen de communication.
Le 26 avril 2019 à Casablanca, nous avons pu assister à la cérémonie de clôture du projet Himaya, entre l’association Bayti et l’UNICEF, durant laquelle les jeunes ont pu présenter leur pièce de théâtre et leur film Animate it ! L’association Bayti a su accorder aux jeunes la confiance et l’espace pour qu’ils puissent déployer pleinement leur créativité et s’exprimer librement sur la thématique de la détention des mineurs. Ce qui s’est traduit au travers de la qualité des scénarios, des mises en scène ainsi que dans le jeu des acteurs.
[1] Rapport du Conseil national des droits de l’Homme. « Enfants dans les centres de sauvegarde, une enfance en danger : pour une politique de protection intégrée de l’enfant », 2013