L’association Bayti s’engage pour les droits des enfants et de la jeunesse au Maroc

Henry Bautista, auteur de ce billet, était déployé au Maroc entre juillet et novembre 2019 au sein de l’organisation Bayti, en tant que conseiller en communication dans le cadre du projet « Protection des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables (PRODEF) ». Ce projet, mené en consortium par Avocats sans frontières Canada (ASFC) et l’IBCR, est réalisé avec l’appui du gouvernement du Canada accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

L’association Bayti est partenaire de l’IBCR au Maroc dans le cadre du programme de coopération volontaire PRODEF (protection des droits des enfants, femmes et communautés vulnérables). Bayti existe depuis 1995 et, en 24 ans d’activité, a mis en place de nombreux programmes pour répondre aux diverses problématiques sociales affectant les enfants, en particulier les enfants vivant dans la rue.

Actuellement, l’association intervient à Casablanca, Essaouira et dans la région de Kénitra à travers ses centres d’accueil et de jour. Ses activités principales visent la prévention de toute forme de violence faite aux enfants ; l’assistance juridique ; la réhabilitation psychosociale ; la réinsertion familiale et scolaire ; et enfin l’accès à la formation professionnelle pour les jeunes en difficulté.

Bayti gère à ce jour quatre centres qui se distinguent par leurs activités et projets spécifiques. Cet article sera consacré à la Ferme-École de la ville de Kénitra.

           

La Ferme-École de Bayti : un lieu d’espoir pour des mineurs non-accompagnés.

Le Maroc ayant intensifié ses actions pour limiter l’immigration clandestine vers l’Espagne ces derniers mois, l’État a déployé des agents pour renforcer la lutte contre les réseaux organisés et limiter les sorties par la mer, la Marine Royale a été réquisitionnée pour le sauvetage en mer. Ces actions ont entraîné une nette diminution du nombre de migrants originaires d’Afrique subsaharienne vers la péninsule Ibérique depuis les ports marocains. Ces résultats, bien que positifs pour le gouvernement, ont des répercussions considérables sur la population migrante. Un article du journal espagnol El Pais[1] révèle que la surveillance accrue du gouvernement marocain a généré une augmentation du coût de la traversée méditerranéenne pour les migrants subsahariens, et n’a pour réel effet que de déplacer les flux vers des points plus éloignés et plus dangereux de la côte atlantique, en particulier la région de Salé, entre Kénitra et Rabat. Résultat visible de cette situation, de nombreux mineurs se retrouvent bloqués au Maroc et ne peuvent poursuivre leur chemin vers la terre européenne convoitée. Sans présence légale dans le pays, ils ne peuvent travailler et sont contraints de vivre dans les rues et mendier pour survivre. Beaucoup ont voyagé seuls, exception faite des familles.

     

Certaines organisations, dont Bayti, agissent en faveur de cette population défavorisée, dont la sécurité et l’intégrité sont à risque. Dans son projet de Ferme-École, à 60 km de la ville de Kénitra, 14 jeunes garçons sont actuellement hébergés, dont 12 d’origine subsaharienne.

L’établissement, crée en 2005 et destiné aux jeunes en situation difficile, offre une alternative de réinsertion sociale et professionnelle à travers le travail de la terre. Après une année de formation théorique et pratique, les jeunes formés reçoivent un diplôme reconnu par l’État.

Les jeunes ont ainsi accès à un logement, de la nourriture, des vêtements, et peuvent communiquer avec leurs familles sans restriction. Ils sont également suivis par une psychologue, qui a notamment créé des groupes de discussion pour évoquer leurs traumatismes et leurs attentes.

Certains d’entre eux, face à la difficulté de continuer leur voyage, ont fait le choix de prolonger leur séjour au Maroc, et tentent de s’y installer, tel le jeune Saïdou, qui nous a volontairement raconté son histoire. Guinéen d’origine, ayant grandi en Algérie, il est arrivé à la Ferme-École en septembre 2019.

Venu d’Algérie, Saïdou arrive au Maroc avec l’objectif initial d’y transiter avant de continuer vers l’Europe. Cependant, des circonstances imprévisibles le poussent à s’installer temporairement dans le pays.

« La vie ici n’a pas été facile pour moi, j’ai vécu des choses que je ne veux pas citer ici. »

Au cours de son périple, il a rencontré l’association Bayti : « Aujourd’hui je suis là, ils m’ont amené dans une école agricole où je suis une formation en agriculture. Nous cultivons de la fraise et d’autres fruits. » Saïdou a désormais accès à une formation théorique et pratique qui lui permettrait, à l’avenir, d’obtenir un diplôme et un emploi. « Je voulais aller en Europe pour avoir un travail pour avoir de l’argent pour assurer mes besoins. » Mais maintenant, la décision de continuer son chemin vers l’Europe est moins évidente : « pourquoi quitter le Maroc ? Pourquoi je me déplacerais ? Je ne veux pas laisser passer ma chance, je vais en profiter. Aujourd’hui je suis dans les mains d’une bonne association qui aide les migrants ; elle les assiste, leur donne une formation professionnelle, leur donne un diplôme et les aide à trouver un emploi […] je donne ce témoignage pour motiver les migrants vivant au Maroc, en Algérie, ou ailleurs : partout où vous trouverez une opportunité, ne la laissez pas s’échapper… ».

« Ce n’est pas forcement en Europe [où] se trouve la richesse, la richesse se trouve en Afrique, ou l’Amérique, ou l’Australie. Partout où vous vivez, cherchez de bonnes relations et [soyez] sérieux, c’est ça la réussite… Je ne peux pas dire que je suis à l’aise à 100 % parce que même si j’étais aux États-Unis, je ne pourrais pas être satisfait 100 %, mais je dis : « Dieu merci », je suis en train de profiter de ma chance. » 

Des témoignages comme celui-ci permettent de comprendre la situation des mineurs migrants au Maroc.

Certains jeunes décideront de rester, d’autres poursuivront le rêve qui les a encouragés à entreprendre leurs aventures, et voient le pays et le passage par Bayti comme une étape sur la route, afin de survivre jusqu’au prochain départ.

[1] VARO Laura. 2019. “Nuevas rutas, más caras y peligrosas para los migrantes, 16/10/2019, https://elpais.com/politica/2019/10/15/actualidad/1571161432_869075.html