L’actualité met en lumière une grande lacune du Québec au regard du respect des droits de l’enfant : à l’heure actuelle, aucune loi n’existe dans la province pour encadrer le travail des enfants. C’est d’ailleurs la seule à n’avoir jamais légiféré en la matière, en dépit des engagements internationaux pris par le pays. Si le Bureau international des droits des enfants (IBCR) salue l’initiative prise par le gouvernement du Québec de déposer un projet de loi en la matière, nous nous devons cependant d’alerter sur certains enjeux que soulève ce projet.
En premier lieu, le projet de loi semble se baser quasi uniquement sur les recommandations et les besoins exprimés par des syndicats, des associations patronales[1] et des acteurs institutionnels[2]. À notre connaissance, aucun enfant ni aucun organisme portant leur voix n’a été invité à prendre part aux discussions menant à la rédaction du projet de loi. L’on est alors en droit de s’interroger sur la neutralité des recommandations formulées et leur alignement avec les droits de l’enfant, face à des considérations économiques majeures.
Par ailleurs, l’absence présumée d’enfants dans la réflexion menant à ce projet de loi questionne sur son adéquation avec leurs réalités. Allons-nous établir une loi qui concerne directement les enfants sans leur donner l’opportunité de participer au débat, de rendre compte de leur expérience et d’exprimer leur opinion ? Ceci constituerait un manquement à leurs droits tels qu’énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par le Canada en 1991, en particulier celui à la participation.
Comment prétendre adopter une loi pour les « protéger » sans même les consulter ?
La Convention relative aux droits de l’enfant stipule dans son article 32 qu’un enfant doit être « protégé contre l’exploitation économique et n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. » ; les États ayant ratifié la Convention — dont le Canada fait partie — doivent également fixer un âge minimum d’admission à l’emploi. Le Canada ayant également ratifié en 2016 la Convention 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’âge minimum, qui l’engage à « lever progressivement l’âge minimum d’admission à l’emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d’atteindre le plus complet développement physique et mental », ses provinces se doivent donc d’agir pour encadrer cette pratique.
Afin que la loi attendue reflète ce que vivent réellement les enfants et prennent en compte leurs droits et leur intérêt supérieur, nous exhortons le gouvernement du Québec à les inclure dans la discussion pour aller plus loin que leur seule protection. Sans cela, nous risquons de faillir à respecter leurs droits.
[1] Source : Article « Québec déposera un projet de loi sur le travail des enfants en début d’année » Radio-Canada, 12 décembre 2022
[2] À travers le Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM) https://www.travail.gouv.qc.ca/a-propos/comite-consultatif-du-travail-et-de-la-main-doeuvre/