Plus d’un siècle durant au Canada, plus de 150,000 enfants des Premières Nations, du peuple inuit et de la Nation métisse ont été enlevés de leurs familles et de leur communauté dans des conditions violentes. La découverte récente des corps de 215 enfants par la communauté Tk’emlúps te Secwépemc dans un orphelinat en Colombie-Britannique agite l’actualité – à juste titre – mais n’est malheureusement que la partie visible d’un drame bien plus vaste, de ces milliers d’enfants qui ont été retirés de leur famille, disparus dans des conditions inacceptables, violant leurs droits les plus fondamentaux.
C’est en 1996 que le dernier pensionnat a fermé ses portes, soit 5 ans après la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant. À travers la signature de cette Convention, le pays prenait un engagement pour protéger tous ses enfants en toute circonstance. Pourtant, pendant plus d’un siècle, les autorités du Canada se sont rendues coupables de graves violations des droits fondamentaux des enfants autochtones, garantis également par la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones**.
« Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale […] » Convention relative aux droits de l’enfant, Article 2..
À travers la pratique d’éloignement familial des enfants autochtones, ce sont ainsi nombre de leurs droits fondamentaux qui ont été bafoués. Pour commencer, aucun enfant ne devrait être séparé de sa famille contre son gré, à moins que sa sécurité soit en jeu (article 9). Ces enfants ont été discriminés sur la base de leurs origines, dans le but de « tuer l’indien dans l’enfant », les privant par la même de leur histoire, de leur culture et de leur langue et de leur droit à la liberté de pensée et de conscience (article 14). Dans tout ce processus, c’est un euphémisme de dire qu’aucune place n’était laissée à l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), qui doit pourtant, selon les normes internationales, prédominer dans chaque décision le concernant. Violences physiques, sexuelles, mentales, conditions de vies déplorables, décès prématurés dans les pensionnats ou à la sortie (articles 3, 6, 19)… nous pourrions dresser ici une liste quasi-exhaustive des violations commises envers les droits des enfants des Premières nations.
La découverte macabre des corps de 215 enfants en Colombie Britannique n’est donc pas une surprise, mais plutôt une tragédie de plus à ajouter à ces quelques exemples parmi tant d’autres manquements graves commis par le Canada envers les enfants autochtones pendant de nombreuses années. Au-delà des pensionnats et écoles, ces violations reflètent et ne peuvent être dissociées de l’histoire de la colonisation du Canada qui, aujourd’hui encore, peine à reconnaitre, protéger et dédommager les communautés touchées. Elles démontrent également l’échec des mécanismes de suivi et de contrôle du respect des droits de l’enfant, qui doivent permettre à chacun[e] de jouer son rôle de veille et de protéger les enfants lorsque leurs droits sont bafoués. La protection de nos enfants est l’affaire de toutes et tous, États, individus, communautés, populations, et nous devons rester vigilants, aujourd’hui encore.
Bien que nous souhaiterions pouvoir dire que cette réalité appartient au passé, il reste beaucoup à faire pour que les droits des enfants autochtones à la santé, à la scolarisation, à la protection, à la participation, à la liberté de culture et à l’identité soient une réalité. Justice doit également être rendue pour que les enfants d’aujourd’hui puissent accéder à leur histoire et à la réconciliation. Assurons-nous que des mécanismes de plaintes à l’encontre des violations des droits des enfants soient efficaces et accessibles aux familles mais aussi aux enfants.
* Source : Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015)
** Ce n’est qu’en 2016 que le Canada a formulé un appui sans réserve à cette déclaration, après avoir voté contre son adoption en 2007, symbole de l’ambivalence du pays à l’égard de ses Premières nations. Un projet de loi a été déposé en 2020 pour mettre en œuvre cette déclaration, illustrant la volonté d’action tardive du gouvernement canadien.
Pour plus d’informations et de ressources :
- Native Land
- Commission de vérité et réconciliation du Canada et se 94 Appels à l’action
- Convention relative aux droits de l’enfant
- La ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être apporte une aide immédiate à tous les peuples autochtones au Canada. Composez sans frais le 1-855-242-3310 ou branchez-vous en ligne par clavardage à espoirpourlemieuxetre.ca
- Ligne d’écoute téléphonique de Résolution des questions de pensionnats indiens 1-866-925-4419
- Pour plus d’informations sur les pensionnats indiens
- Mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par la Canada
- Revue littéraire produite en 2015 par l’IBCR relevant les publications des dernières années portées sur les droits des enfants Inuit et des Premières Nations au Québec: