Photos sur les réseaux sociaux : ces enfants qui disent non

Plusieurs enfants et adolescents se soucient de leur image numérique, et certains vont jusqu’à demander à leurs parents de retirer les photos d’eux de Facebook et d’Instagram.

Le phénomène des parents qui partagent des photos de leurs enfants sur les médias sociaux a un nom: le sharenting, un mot-valise composé de share et de parenting pouvant se traduire par « surpartage parental ». Et il se retrouve au coeur du rapport Who Knows What About Me? publié par Anne Longfield, commissaire à l’enfance en Angleterre, en novembre dernier.

Dans ce rapport, on apprend qu’un parent anglais publie en moyenne plus de 1300 photos de son enfant sur les médias sociaux avant que celui-ci ait 13 ans. On peut imaginer des statistiques comparables de ce côté de l’Atlantique. Avec le résultat suivant: bien des enfants qui choisissent la pudeur numérique doivent le faire en tenant tête à leurs parents.

Les raisons du refus

« Je ne veux pas que ma vie se retrouve sur internet », dit Flavie, pour expliquer son refus de paraître sur les médias sociaux de sa mère. Jean-Sébastien, 13 ans, a lui aussi un penchant pour la discrétion. « Je publie rarement des photos de moi sur Facebook. Et je demande à mes parents de faire de même. Je ne veux pas que tout le monde voie qui je suis, et ce que je fais. »

Pour les plus vieux s’ajoute le souci de bien paraître aux yeux des employeurs.

« Je préfère séparer ma vie professionnelle de ma vie privée, dit Charlotte, qui travaille dans un hôtel de Québec. Je sais que beaucoup d’employeurs regardent les profils des candidats avant l’embauche. Aussi, je n’aimerais pas que ma boss connaisse toute ma vie privée. C’est pourquoi j’utilise Facebook seulement pour communiquer. »

Le droit de dire « non »

Flavie est convaincue que c’est à elle – et non à sa mère – de décider quelles photos d’elle peuvent se retrouver sur l’internet. « C’est mon visage! », s’exclame-t-elle spontanément. 

Frédéric Letendre, avocat associé chez YULEX et spécialiste en droit numérique, lui donne raison:

« Au Québec, toute personne majeure ou mineure a le droit au respect de sa vie privée. Ça inclut le respect de son image, de sa voix et de toute représentation d’elle-même, incluant les photos. »

Est-ce à dire que les enfants exposés contre leur gré peuvent poursuivre leur parent, comme en Italie, où un ado de 16 ans a fait condamner sa mère pour l’avoir exposé sur Facebook?

« En principe, oui. Par ailleurs, il existe plusieurs jugements dont celui datant de 1998: Aubry c. les Éditions Vice-Versa. Le dossier implique une femme qui a été photographiée à son insu et dont l’image a été utilisée sans son consentement. La femme a eu gain de cause, et ça nous sert aujourd’hui de jurisprudence sur le droit de l’image. »

Pour obtenir un dédommagement, on doit toutefois démontrer qu’une faute a été commise et qu’elle crée un préjudice, précise l’avocat. « Ce n’est pas évident a priori. Les parents publient rarement des photos dans le but de faire mal paraître leur enfant. »

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