Chaque enfant a le droit d’être entendu

Par Gözde Erdogan, conseillère juridique en Tunisie auprès de l’association ADO+ et du Tunisian Forum for youth empowerment, au sein du projet Protection des droits des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables (PRODEF). Ce projet, mené en consortium par Avocats sans frontières Canada (ASFC) et l’IBCR, est réalisé avec l’appui du gouvernement du Canada accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

Nous n’existons pas uniquement pour obtenir un diplôme qui nous aidera à trouver un travail. Nous voulons participer de façon active dans la gestion des projets
<span class="su-quote-cite">Chedly, 16 ans, participant actif au Club <em>visualize</em></span>

Le fil conducteur de l’interprétation et de l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant est basé sur les quatre principes fondamentaux suivant : la non discrimination, le droit à la vie et au développement, le droit à la participation et l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, le degré de priorité accordé au droit à la participation de l’enfant dans le monde n’est qu’en croissance depuis ces dernières années.

La Tunisie, ayant ratifié la Convention le 30 janvier 1992, aborde le principe de participation de l’enfant dans divers textes législatifs et politiques afin d’améliorer la situation juridique et civile de l’enfant dans différents domaines. Notamment, l’article premier alinéa 6 du Code de la protection de l’Enfant met en lumière l’obligation de « faire participer l’enfant à tout ce qui le concerne par les moyens appropriés, respecter et consolider ses droits en tenant compte de son intérêt supérieur, de manière à ce qu’il acquiert les vertus du travail, de l’initiative, les valeurs de l’effort personnel et le sens de l’auto-responsabilité »[1].

Au-delà de l’action étatique, il existe plusieurs organisations à but non lucratif qui ont la conviction profonde de contribuer à la mise en œuvre du droit à la participation des enfants. Parmi ces organisations, ADO+ se démarque des autres en formant les adolescent(e)s sur l’utilisation des techniques théâtrales pour la prise de parole en public ainsi que pour faciliter les actions de plaidoyer. A pour amour et amitié, D pour dynamisme et découverte, O pour ouverture et opportunité et + pour le regard positif, l’équipe ADO+ offre des espaces de théâtre, de musique et d’étude aux adolescent(e)s afin de renforcer leurs capacités civiques et juridiques. Cependant, après avoir assisté à la présentation de la pièce de théâtre « Parlons, c’est mieux! », j’ai constaté que l’implication des adolescent(e)s aux activités et ateliers de formation d’ADO+ va plus loin qu’une amélioration de leur participation citoyenne. Leur expérience au sein d’ADO+ permet à ces dernier.ère.s de développer leur esprit critique et de mieux comprendre les causes de divers enjeux sociaux. En effet, ces adolescent(e)s n’étaient pas uniquement sur scène pour mettre en lumière l’impact de la violence au sein de la famille; leur intention était d’approfondir le débat sur cet enjeu pour déconstruire les idées reçues qui banalisent la violence existante.

Adolescent(e)s chargé(e)s de plaidoyer

La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que l’information.
<span class="su-quote-cite">Albert Einstein</span>

En plus d’offrir un espace créatif de réflexion, ADO+ encadre les adolescent(e)s pour les actions de plaidoyer. Notamment, le projet intitulé « Académie junior de la culture politique » a permis de conscientiser et renforcer les capacités de plusieurs adolescent(e)s de Sidi Bouzid, Nabeul, Kef, Ariana et Ben Arous sur les techniques de plaidoyer pour l’acquisition de leurs droits civiques. À la lumière des compétences acquises, ces adolescent(e)s ont analysés les lacunes dans leur municipalité afin de mener un projet de plaidoyer.  Aujourd’hui ces adolescent(e)s sont chargé(e)s de plaidoyer pour assurer un meilleur respect des droits de la personne dans leur municipalité. Par exemple, dans la municipalité de l’Ariana, les adolescent(e)s font un plaidoyer pour l’adaptation des trottoirs aux personnes en situation de handicap physique. Dans le cadre de cet action de plaidoyer, il y a eu des interventions très intéressantes : Youcef (11 ans) a soulevé l’importance d’intégrer un parlement de l’enfant. Nour (14 ans) et Linda (16 ans) ont souligné l’importance de leur participation à la citoyenneté.  

Lors de l’éducation civique, on ne nous apprend pas que la citoyenneté commence dès notre naissance. Aujourd’hui, je suis consciente de mon droit à la participation et je suis une citoyenne active !
<span class="su-quote-cite">Linda, 16 ans, membre active de l'association ADO+</span>

À l’occasion de l’établissement de cette Académie, j’ai également eu l’opportunité de réaliser un atelier de réflexion avec ma chère collègue Zeineb pour favoriser la participation des adolescent(e)s à la rédaction du Code de bonnes pratiques destinés aux personnel(le)s œuvrant dans la protection des droits des enfants. Je travaille sur ce Code de bonnes pratiques avec mes collègues d’ADO+ et du Tunisian Forum for Youth Empowerment dans le but de promouvoir et garantir l’application des droits des enfants, conformément aux engagements prescrits par la Convention relative aux droits de l’enfant. Dans un second temps, ce Code vise à améliorer la relation adolescent(e)s-encadreur(euse) au sein des organisations à but non lucratif. De ce fait, dans le cadre de l’atelier de réflexion, nous avons proposé aux adolescent(e)s une activité intitulé « conception de l’arbre » : le trône de l’arbre représentait la relation adolescent(e)-encadreur(euse) et les adolescent(e)s devaient répondre aux trois questions suivantes :

  1. Qu’est-ce qu’il faut pour maintenir l’arbre en bon état et pour avoir des bons éléments?
  2. Qu’est-ce qui cause le mauvais état de l’arbre?
  3. Qu’est-ce qu’il faut faire pour sauver l’arbre? Ainsi, à la lumière de leur expérience avec les encadreuses et les encadreurs, les adolescent(e)s ont soulevé les règlements qu’elles et ils voudront ajouter dans le Code de bonnes pratiques destinés aux encadreur(euse)s.

Je dois avouer que l’objectif de ce Code n’aurait jamais pu être atteint sans leur touche! Je partage donc avec vous leur conception de l’arbre… 

[1] Code de la protection de l’Enfant (1995), article premier, par. 6.