Une sénatrice appelle à l’action contre la stérilisation forcée d’Autochtones

Une nouvelle étude montre que la stérilisation forcée de femmes autochtones n’est pas seulement une partie honteuse de l’histoire canadienne, mais que la pratique a encore cours en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et dans les territoires.

Yvonne Boyer, avocate métisse et ancienne infirmière, aujourd’hui sénatrice de l’Ontario, a souligné que la ligature des trompes menée sans le consentement d’une patiente autochtone demeurait l’une des pratiques « les plus odieuses » en matière de soins de santé au Canada.

En 2017, Mme Boyer a été contactée pour la première fois par une adolescente, Liz, qui a demandé à ne pas faire publier son nom de famille afin de pouvoir parler librement. La jeune fille voulait réagir à la publication d’un article détaillant la recherche menée par Mme Boyer avec la chercheuse et médecin métisse Judith Bartlett. Leur rapport expliquait comment des femmes autochtones avaient été contraintes à la ligature des trompes — dont les extrémités sont sectionnées, scellées ou brûlées pour empêcher le transport des oeufs des ovaires à l’utérus — après un accouchement à Saskatoon.

À l’âge de 17 ans, Liz a vécu une histoire similaire. Elle a été forcée par un travailleur de l’aide à l’enfance de subir un avortement et à se faire stériliser dans un hôpital du nord-ouest de l’Ontario, affirme-t-elle, une expérience qui la hante encore après 40 ans. Le travailleur en santé lui aurait dit que, même si elle refusait de se faire avorter, « de toute façon, [ils allaient] prendre [son] enfant », a-t-elle raconté.

Liz reste depuis hantée par ce qui lui a été volé, au point de rêver de son bébé dans son sommeil. Plusieurs années lui ont été nécessaires pour comprendre que ce qui lui était arrivé n’était pas de sa faute, a-t-elle indiqué.

Appels à l’aide

Mme Boyer souhaite désormais que le Sénat étudie l’étendue de la question à l’échelle nationale. « Si cela s’est passé à Saskatoon, ça s’est passé aussi à Regina, à Winnipeg, où il y a une forte population de femmes autochtones », a-t-elle fait valoir en entrevue. « Beaucoup de femmes à travers le pays m’ont contactée et m’ont demandé de l’aide. »

Certaines femmes autochtones interviewées pour le rapport se sont également senties poussées à signer les formulaires de consentement pour les procédures alors qu’elles étaient en travail actif ou sur une table d’opération, a dit Mme Boyer, soulignant qu’une action collective contre l’agence régionale de la santé de Saskatoon avait été lancée en 2017 par deux des femmes touchées. Chacune réclamait 7 millions de dollars en dommages et intérêts.

Aujourd’hui, environ 60 femmes font partie de l’action collective, a-t-elle précisé. « S’il y a seulement 60 femmes dans la région de Saskatoon, c’est qu’il y en a beaucoup d’autres qui ne se sont pas manifestées et beaucoup d’autres qui voulaient se présenter mais étaient trop traumatisées », a ajouté la sénatrice.

Alisa Lombard, une associée de Maurice Law — une firme orchestrant l’action collective —, a souligné que des femmes de l’extérieur de la région de Saskatoon avaient aussi déclaré avoir été stérilisées sans leur consentement éclairé et approprié. Elle dit avoir eu des informations d’autres femmes autochtones en Saskatchewan, de même qu’au Manitoba, en Ontario et en Alberta.

L’étude et certains dossiers montrent que la pratique était répandue dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, a-t-elle ajouté.

Mme Lombard a indiqué que son bureau soulèvera le problème des stérilisations forcées de femmes autochtones devant le Comité des Nations unies contre la torture ce mois-ci.

Lire l’article complet


Texte par Kristy Kirkup

Photo: Yvonne Boyer, sénatrice de l’Ontario (Adrian Wyld / La Presse canadienne)